1 août 2011

Jean-Louis FOURNIER

J'aime beaucoup cet auteur qui a écrit entre autre "Où on va, Papa"; "mouchons nos morveux" ou bien, le dernier que je viens de lire, mais qui date de 1994  : "le C.V. de Dieu" .
 Voici un extrait de l'entretien d'embaûche entre Dieu et le directeur du personnel d'un grand groupe en parlant des hommes :
- Est-ce que vous les connaissez bien ?
- Comme si je les avais fait. Ils m'ont déçus...
- Et vous, vous ne les avez pas déçus ?
- Peut-être que j'attendais trop d'eux. Maintenant je ne crois plus en l'homme.
- L'homme ne croit plus en Dieu.
- Alors ça fait match nul, dit Dieu.

Mais le livre qui m'a touché le plus reste tout de même " Où on va Papa ? " :
"Cher Mathieu, cher Thomas,
Quand vous étiez petits, j'ai eu quelquefois la tentation, à Noël, de vous offrir un livre, un Tintin par exemple. On aurait pu en parler ensemble après. Je connais bien Tintin, je les ai lus tous plusieurs fois.
Je ne l'ai jamais fait. Ce n'était pas la peine, vous ne saviez pas lire. Vous ne saurez jamais lire. Jusqu'à la fin, vos cadeaux de Noël seront des cubes ou des petites voitures...
Jusqu'à ce jour, je n'ai jamais parlé de mes deux garçons. Pourquoi ? J'avais honte ? Peur qu'on me plaigne ?
Tout cela un peu mélangé. Je crois, surtout, que c'était pour échapper à la question terrible : « Qu'est-ce qu'ils font ? »
Aujourd hui que le temps presse, que la fin du monde est proche et que je suis de plus en plus biodégradable, j ai décidé de leur écrire un livre.
Pour qu'on ne les oublie pas, qu il ne reste pas d'eux seulement une photo sur une carte d'invalidité. Peut-être pour dire mes remords. Je n ai pas été un très bon père. Souvent, je ne les supportais pas. Avec eux, il fallait une patience d'ange, et je ne suis pas un ange.
Quand on parle des enfants handicapés, on prend un air de circonstance, comme quand on parle d'une catastrophe. Pour une fois, je voudrais essayer de parler d'eux avec le sourire. Ils m'ont fait rire avec leurs bêtises, et pas toujours involontairement.
Grâce à eux, j'ai eu des avantages sur les parents d'enfants normaux. Je n'ai pas eu de soucis avec leurs études ni leur orientation professionnelle. Nous n'avons pas eu à hésiter entre filière scientifique et filière littéraire. Pas eu à nous inquiéter de savoir ce qu'ils feraient plus tard, on a su rapidement ce que ce serait : rien.
Et surtout, pendant de nombreuses années, j'ai bénéficié d'une vignette automobile gratuite. Grâce à eux, j ai pu rouler dans des grosses voitures américaines."
Un livre désespérément drôle